Nouveau Forum : Les nouvelles violences flexuelles
Un énorme bouleversement se prépare pour les agents des services centraux (bd de la Liberté, Euronord, Cité administrative, Cariatides, Duez et Arcuriales) qui seront transférEes début 2024 dans le « Nouveau Forum ».
On ne peut pas l’ignorer, régulièrement des reportages photos publiés sur intranet nous vantent l’avancée des travaux de ce méga chantier…Le bâtiment devrait être livré pour la fin de l’année 2023.
Si on peut, en effet, admirer le savoir-faire des ouvriers, ingénieurs et architectes qui œuvrent tous les jours sur le chantier ; ce qui est beaucoup moins mis en évidence par l’exécutif et le DGS c’est que l’emménagement dans ce bâtiment tout neuf va modifier profondément les organisations du travail.
D’emblée, dès la conception de l’immeuble, des décisions politiques ont été prises, comme celle de concevoir un bâtiment à la superficie inférieure à celle qu’il aurait fallu pour reloger tout le monde !! Le DGS l’a dit « nous passerons de 10 bâtiments à 2 »
L’hybridation télétravail et présentiel : Une aubaine
Toutes les observations récentes le démontrent, rogner sur les surfaces bâtimentaires devient la priorité des grandes entreprises et administrations. Optimiser, comme ils disent, l’occupation de l’espace est donc un enjeu de taille pour eux. Et le développement massif du télétravail dans notre collectivité depuis la crise COVID permet de justifier la logique à l’œuvre, « puisqu’il faut bien se rendre à l’évidence, les bureaux sont sous-occupés ».
Instaurer la rotation du personnel présent pour économiser sur le nombre de bureaux devient donc possible.
Le FLEX : Tous SBF (sans bureau fixe)
L’organisation en « bureaux flexibles » (Flex Office) qui consiste en l’absence de bureaux attitrés, personnels est donc présentée comme un mode d’organisation à la pointe du progrès et de la modernité. Comme le dit à l’envie le VP chargé des ressources humaines « le monde change, à nous de nous y adapter », comme si le monde changeait tout seul, de manière naturelle et que ces changements n’étaient la conséquence des décisions politiques qu’il prend lui aussi !!!!
C’est donc le Flex Office auquel les agents départementaux des services centraux « devront s’adapter » coûte que coûte.
Et ça ressemble à quoi ce Flex Office ?
Ce sont des grands plateaux ouverts dans lesquels les bureaux, qui sont en fait des petites tables, sont regroupés en îlots (bench) ; On y trouve aussi des petits espaces dédiés et cosy et des bulles insonorisés pour la concentration.
Les agents doivent réserver un bureau s’ils veulent une place au boulot. Dans certaines entreprises il est même interdit de réserver 2 fois de suite le même bureau. Les agents se voient attribuer un casier, fixe ou roulant, pour y mettre ses affaires pro et perso et surtout son ordinateur ! Le fun c’est d’être Nomade, mobile, agile tout au long de la journée…….. Il parait que ça nous rend plus efficace, et peut être même plus optimistes, allez savoir ?
Le Flex Office un inquiétant retour en arrière ?
Quitte, une nouvelle fois, à paraitre rabat-joie, à SUD cette organisation ne nous fait pas rêver. De nombreuses études d’ailleurs, paradoxalement toutes issues du monde du management et du business, alertent sur les conséquences de cette organisation sur la santé et la motivation des salariéEs.
Pour certains observateurs, cette impossibilité de personnaliser, de s’approprier son espace de travail « n’est pas sans rappeler les pratiques développées il y a une centaine d’années, notamment dans le secteur bancaire » (Delphine Minchella dans Harvard business review) Pour la modernité, on repassera !!!
Avoir un bureau n’est pas seulement avoir un lieu pour poser ses affaires, y compris les objets personnels que l’on souhaite avoir avec soi, c’est aussi pour la personne, un repère lui indiquant sa place dans l’organisation, dans la collectivité. « Le Flex office ralentit le lien social et peut être la capacité de l’employé à s’intégrer durablement dans l’entreprise » (Julie Arnault, architecte-Urban designer). Rentabiliser l’immobilier, c’est souvent aussi rentabiliser les individus, quitte à les nier.
Delphine Minchella, Dr en management stratégique et en science de gestion, alerte sur le risque de désaffiliation du collectif de travail ; « cette façon de travailler affecte naturellement la collaboration des salariés entre eux », « il s’établit une distanciation du salarié avec l’organisation, il sent qu’il est fragile, interchangeable », « comme on cloisonne, il est presque impossible de s’isoler réellement, les espaces conviviaux proposés ne font que compenser ce qui a été perdu et ce que permettaient les bureaux fixes ».
Ce décloisonnement place aussi automatiquement la personne sous le regard permanent de l’autre, ce qui génère un stress important ! Mais il parait que cela ne gêne que « les gens qui ont des choses à cacher ».
Par contre, comme on ne fait plus que se croiser, ce n’est plus très grave de savoir comment se sent le ou la collègue. Et à ce jeu on risque de perdre la cohésion de l’équipe et la facilité de l’entraide professionnelle que l’on partage avec ses collègues quand on se trouve dans le même endroit. La logistique de réunion s’alourdit inévitablement.
En Flex Office, chaque soir il faut donc tout ranger dans son casier, pour faire place nette, et chaque matin, le plus tôt possible, pour être le premier, réserver son bureau, la guerre des places va commencer !!
Le Flex Office, les salariés n’en veulent pas.
Une étude d’ampleur, puisque menée dans 11 pays auprès de 5000 participants, par l’entreprise Steelcase, met en évidence qu’en France 62% des salariés « sont prêts à renoncer à des jours de télétravail en échange d’un poste de bureau attribué ». Cette enquête précise également que « si la majorité des individus disposent d’un espace de travail dédié à domicile, ceux qui n’en ont pas sont généralement des employés. Et si les dirigeants d’entreprises encouragent le Flex Office, ils sont beaucoup plus nombreux à disposer d’un espace privatif au bureau ».
Ceci n’est pas une pipe
Tous ces arguments, nous les avons opposés au DGS et au directeur de projet « Forum ». Sans aucun contre argument à nous avancer, il leur a été nécessaire de trouver des astuces pour faire diversion : Les documents sur lesquels était indiqué clairement le terme de Flex Office ont été corrigés- Et en ne cessant de nous répéter depuis « ça n’est pas du Flex ». La répétition fixe la notion. Exit la sémantique pour dissoudre l’idée. Et cerise sur la gâteau « le département met en place un prototype, son prototype », sous-entendu les différentes études que vous citez ne s’appliquent pas à ce modèle original ! Ah bon en quoi ?
Le CHSCT totalement écarté
Pour tenter de commencer à aborder la question des impacts sur la santé et la sécurité des agents de ce nouveau mode d’organisation, nous avons commencé par exiger une première visite CHSCT du « petit forum », situé aux Arcuriales et conçu comme une mise en situation expérimentale « pour que les agents soient plus aptes à s’adapter à leurs futurs locaux » (M Laathar, directeur du projet lors du CHSCT du 6 octobre 2022), dans la mesure où « le concept départemental ne sera pas remis en cause » (du même auteur !). Dans ce petit Forum, ou petit laboratoire, sont censés se relayer tous les 15 jours les services de différentes directions pour tester grandeur nature le Flex.
Le VP et l’administration ont refusé cette visite durant laquelle le service santé et sécurité au travail ainsi que les représentants du personnel pouvaient observer et faire des remarques. En revanche et pour la com’ « une visite officieuse », dixit le directeur de projet, a été organisée avec certains représentants du personnel-Visite, qui bien entendu a fait l’objet d’une belle photo postée illico sur intranet. Histoire sans doute de laisser croire que les organisations syndicales étaient associées au projet et pourquoi pas, tant qu’on y est, favorables !!