Le plan de lutte contre la pauvreté est un plan de lutte contre les pauvres
Le Conseil Départemental à travers son président JR LECERF -qui, c’est plus à prouver, cherche à coup sûr un poste au gouvernement pour se reconvertir- se gargarise depuis décembre dernier sur le fait que le Nord est le premier Département à avoir contractualisé avec l’État le plan national de lutte contre la pauvreté.
Au-delà des mots et des déclarations, nous attendions la déclinaison concrète.
Et bien la voici.
La DIPLE (Direction Insertion Professionnelle et Lutte contre les Exclusions) et ses services sont donc chargés de faire le sale boulot.
La réorganisation des PIPLE/Maisons de l’Insertion a donc été présentée à la représentation du personnel au Comité Technique du 28 février dernier.
Voici quelle a été notre intervention :
Au travers de ce dossier nous est présentée l’architecture d’une organisation infernale et implacable qui sous-tend une philosophie ou une idéologie largement contestable et aux relents douteux.
Infernale et implacable pour les agents chargés de cette mission, c’est-à-dire faire sortir du dispositif du RSA au plus vite le maximum de personnes. Et en particulier les « chargés d’accueil et d’orientation » qui seront chargés à 28 de recevoir, comprendre, évaluer la situation de 48 000 personnes allocataires et de les orienter. C’est-à-dire, sans tenir compte des temps partiels et des arrêts maladie, plus de 8 personnes par jour. C’est de l’abattage ! c’est inhumain ! Et vous demandez ça à des rédacteurs ? Qu’appelez-vous alors évaluer une situation ? C’est demander à des agents publics de traiter leurs concitoyens de manière mécanique, sans respect pour leur parcours et ce qu’ils sont ! C’est mettre nos futurs collègues dans une situation intenable et leur fixer des objectifs (par ailleurs contestables) inatteignables.
Infernale et implacable pour les personnes qui perçoivent le RSA.
On vit quand même une époque formidable où la lutte contre la pauvreté qui devrait amener tous les politiques de ce pays à s’interroger sur l’injustice sociale qu’ils génèrent par leurs décisions, se transforme allègrement en lutte contre les pauvres, rendus responsables de leur situation. Tout ça au moment même où toutes ces populations sont dans la rue et crient que ça suffit !
Et vous, comme si de rien n’était, vous persistez dans ces politiques de stigmatisation et de contrôle et vous continuez à prendre des décisions qui n’ont aucun impact sur votre vie à vous, mais quoi conditionnent la vie de milliers d’autres.
Et qui sont ces bénéficiaires du RSA à qui vous vous apprêtez, pour certains, à supprimer le minimum vital ? et sur lesquels vous accentuez la pression ? (il faudra nous expliquer comment vous pensez qu’une personne résidant Ostricourt va pouvoir se débrouiller pour se rendre à des rendez-vous sur Lille ).
Pour la majorité ce sont des femmes seules avec enfants. Des chômeurs qui ont épuisé leur droit aux allocations ou qui n’ont pas cotisé assez pour y prétendre, dont 14 000 meurent prématurément chaque année. Des personnes à qui on inflige la double peine, celle d’être privées de leur moyens de subsistance tout en les rendant responsables de leur situation.
Les chercheurs de l’INSERM qui ont effectué l’étude sur le décès prématuré des personnes au chômage invitent les médecins généralistes et tous les praticiens du soin en général, à considérer ces patients comme une population à risque en terme de santé ! Que fait un département comme le Nord par rapport à ce constat alarmant ? Quels moyens mettez-vous à disposition des travailleurs sociaux de secteurs, des Services de Prévention Santé -SPS-, dont c’est l’une des missions ? Comment investissez-vous pour préserver ces populations des risques qu’elles encourent ? Rien, au contraire, vous consacrez des millions d’euros à les contraindre davantage, vous les pistez et par là même vous accentuez les risques auxquels elles sont confrontées !
C’est pourtant ça la mission du Département. Ce n’est pas le « placement immédiat à l’emploi ». Le rôle du département et des services sociaux SSD et SPS c’est de mettre en place des politiques publiques qui luttent contre les conséquences de l’exclusion économique, pour les prévenir, les limiter et/ou les réparer.
Le chômage est un fait de société qui cause souffrance, divorces, destructions familiales, précarité, pauvreté, difficultés parentales et parfois la mort. C’est sur ce champ là que le département doit intervenir. C’est çà son rôle et sa mission. Mission que vous détournez.
D’ailleurs puisque vous voulez remettre tout le monde au boulot, il serait intéressant de se poser 2 ou 3 questions pour éclairer le débat !
Qui travaille et qui ne travaille pas ? Qui produit de la valeur et donc qui en a à vos yeux ? Nous, ici, représentants du personnel sommes-nous en train de travailler, de produire de la valeur ? Vous, ici, élu local êtes-vous en train de travailler, de produire de la valeur ?
Et cette mère de famille qui tente d’élever tant bien que mal ses 2 enfants, qui perçoit le RSA depuis plusieurs années et qui développe une ingéniosité incroyable pour faire de quelques pommes de terre un repas appétissant pour que ses enfants ne souffrent pas trop de la situation, travaille-t-elle ? produit-elle de la valeur ?
C’est le système économique que vous soutenez qui est responsable du chômage de masse et de toutes ses conséquences désastreuses.
Comme vous aimez les chiffres et pour parfaire votre information, en espérant que cela fera trembler un tout petit peu vos certitudes, en voici quelques-uns
- 1 personne sur 2 susceptible de percevoir le RAS ne fait pas valoir son droit (c’est dire à quel point les français abusent de l’état providence). Si toutes les administrations faisaient leur travail et si les populations n’avaient pas honte, c’est 96 000 personnes et non 48 000 que les services départementaux devraient accueillir).
- Seuls 12% des chômeurs ne cherchent plus d’emploi (découragés ravagés par des parcours en impasse etc.) Si les personnes qui perçoivent le RSA ne trouvent pas d’emploi, c’est qu’il n’y en a pas.
- Selon le secours catholique le déséquilibre entre les offres et les demandes d’emploi est abyssal, de l’ordre de 1 à 42 en 2017.
Dans l’attente d’une autre société où le partage des richesses et du travail, l’égalité sociale et fiscale seront à l’ordre du jour, la mission du département c’est d’accompagner, soutenir, assister (au sens le plus noble de l’assistance) tous ceux qui ont besoin d’aide dans tous les domaines de leur vie face au chômage.
Nous voterons bien sur contre cette nouvelle évolution des PIPLE, contre la création de postes de coach alors que ce sont les équipes des UTPAS qu’il faut renforcer. Contre une organisation qui contraint des agents publics à maltraiter les populations qu’ils doivent normalement servir.