Le Département du Nord n’assume pas sa responsabilité dans l’état chaotique de la chaine de prévention et de protection de l’enfance
Mardi 29 novembre, à l’appel des syndicats SUD des personnels du Conseil Départemental du Nord, Syndicat de la Magistrature et Syndicat des Avocats de France, un rassemblement des professionnelLEs de la prévention et de la protection de l’enfance s’est déroulé sous les fenêtres de M. Christian POIRET, président du Département.
Cette mobilisation s’inscrit dans la lignée de la Tribune d’alerte cosignée par ces trois organisations syndicales le 17 octobre dernier, pour dénoncer l’état catastrophique de toute la chaîne de protection de l’enfance dans le Nord et pointant la responsabilité de l’exécutif départemental.
Le retentissement de cette Tribune et la gravité de son contenu ont notamment amené Mme Claire HEDON, défenseur des droits, à s’auto saisir de la question pour les Départements du Nord et de la Somme ; une enquête va être diligentée.
À l’issue du rassemblement du 29 novembre, une délégation représentant les organisations syndicales signataires a été reçue par la vice-présidente du Département, Mme Marie TONNERRE, et 2 membres de sa « haute administration ».
Durant cette entrevue particulièrement tendue, pendant près de 3h30, les représentantEs du Conseil Départemental ont tenté de se dédouaner de toute responsabilité.
En effet, alors que la pénurie de moyens, cause principale des défaillances de l’Aide Sociale à l’Enfance, a été sciemment organisée durant plusieurs années pour répondre à des logiques gestionnaires de rationalisation, traduites par de violentes coupes budgétaires (suppression de places dans les foyers, suppressions de poste de travailleurs sociaux et médico-sociaux de terrain…), Mme TONNERRE prétend qu’elle met tout en oeuvre pour sortir le Département de la situation catastrophique depuis sa prise de poste, il y a 18 mois.
Elle oublie ainsi de dire qu’elle participe, tout comme le président actuel, M. POIRET (1er Vice président chargé des finances de 2015 à 2021), à l’exécutif départemental qui a orchestré la pénurie des moyens de la prévention et la protection de l’enfance depuis plus de 7ans.
Incapable de la moindre remise en question, Mme TONNERRE se contente de rejeter la responsabilité de la situation sur l’État et plus particulièrement sur l’Agence Régionale de Santé.
S’il est certain que le gouvernement n’assume pas non plus sa responsabilité en usant des mêmes logiques gestionnaires dans les structures médico-sociales (IME, ITEP, etc.), la pédopsychiatrie et la Protection Judiciaire de la Jeunesse, cela ne saurait justifier l’absence de moyen de l’Aide Sociale à l’Enfance, dont le Département, autrement dit Mme TONNERRE et M. POIRET sont les seulEs responsables !
Durant la rencontre, Mme Anne DEVREESE, directrice générale adjointe de l’enfance-famille-santé, par ailleurs nommée par le gouvernement vice-présidente du Conseil National de la Protection de l’Enfance, continue, malgré les exemples concrets apportés par les professionnelLES de terrain, à nier la réalité de la situation, notamment sur la présence de mineurs placés à l’hôtel !
Contestant avoir supprimé 700 places en foyer d’accueil et maison éducative à caractère social entre 2015 et 2018, les représentantEs du Département vont jusqu’à affirmer le contraire… Ils en auraient créés 600 entre 2015 et 2022… sans être capables de préciser le type d’accueil et citer les structures. Une fois encore c’est nier que des foyers d’accueils ont du fermer faute de financement.
600 places en 7 ans ? Alors qu’entre 2020 et 2022, le nombre d’enfants faisant l’objet d’une décision de placement a augmenté de plus de 1000 ! La preuve de leur défaillance face à l’obligation de moyens du Département est ainsi faite.
Interpelés sur le plan d’urgence annoncé en juin dernier, les représentants du Département confirment la création de 150 places d’ici le 31 décembre (à verser dans le pot des 600) sans en préciser l’implantation, ni s’il s’agit de financements pérennes.
Alors que la situation commanderait que le Département émette sans délai une commande (appel d’offres) auprès des associations et de l’établissement public départemental, permettant de couvrir enfin les besoins identifiés ( 1000 enfants non ou mal protégés à ce jour dans le Nord), il se contente de valider au jour le jour les projets de création de places qui lui parviennent et qu’il juge « sérieux ».
Par contre, les représentantEs du Département exhortent l’ensemble des membres de la délégation de croire en la sincérité de leur volonté de mettre des moyens supplémentaires. Ils vont même jusqu’à nous reprocher de ne pas les soutenir dans les efforts qu’ils feraient étant, disent-ils, eux aussi, victimes des décisions politiques et budgétaires de l’Etat.
Mme TONNERRE conclut en annonçant que le budget global 2023 de l’enfance-famille-santé serait « dopé » de 50M€ supplémentaires.
Une nouvelle annonce largement relayée dans la presse et sans aucune garantie puisqu’elle ne sera pas débattue avant mars-avril 2023.
Si la vice-présidente ne dit rien de la ventilation de cette enveloppe, c’est parce que nous savons déjà que ces moyens ne seront pas exclusivement dédiés aux missions de prévention et protection de l’enfance… une bonne partie étant réservée pour les ressources humaines au versement du « Ségur » aux travailleurs sociaux et médico-sociaux et au passage des assistantes familiale au SMIC comme l’exige la loi.